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Après L’hiver
N’attendez pas de moi que je vais vous donner
Des raisons contre Dieu que je vois rayonner ;
La nuit meurt, l’hiver fuit ; maintenant la lumière,
Dans les champs, dans les bois, est partout la première.
Je suis par le printemps vaguement attendri.
Avril est un enfant, frêle, charmant, fleuri ;
Je sens devant l’enfance et devant le zéphyre
Je ne sais quel besoin de pleurer et de rire ;
Mai complète ma joie et s’ajoute à mes pleurs.
Jeanne, George, accourez, puisque voilà des fleurs.
Accourez, la forêt chante, l’azur se dore,
Vous n’avez pas le droit d’être absents de l’aurore.
Je suis un vieux songeur et j’ai besoin de vous,
Venez, je veux aimer, être juste, être doux,
Croire, remercier confusément les choses,
Vivre sans reprocher les épines aux roses,
Être enfin un bonhomme acceptant le bon Dieu.
Ô printemps ! bois sacrés ! ciel profondément bleu !
On sent un souffle d’air vivant qui vous pénètre,
Et l’ouverture au loin d’une blanche fenêtre ;
On mêle sa pensée au clair-obscur des eaux ;
On a le doux bonheur d’être avec les oiseaux
Et de voir, sous l’abri des branches printanières,
Ces messieurs faire avec ces dames des manières.
Victor Hugo, 26 juin 1878
Transformé en un haïku qui pourrait évoquer l’enthousiasme partagé de la venue du printemps, mais aussi les allergies qui l’accompagne, cela donnerait, par exemple :
Fini l’hiver !
Venez :
le bouleau éternue
À dos d’éléphant
Supposez Goliath mené par Myrmidon.
Le cornac est tout jeune et la bête est énorme.
Le palanquin tremblant par instant se déforme
Et vous cahote au point de vous estropier
Sous ses rideaux de cuir et son toit de papier.
Un monstre n’a pas moins de roulis qu’un navire ;
Comme un vaisseau chancelle un éléphant chavire,
Et vous avez le mal de mer sur Béhémoth.
Le cornac, nain pensif, conseille à demi-mot
Le colosse, et le monstre écoute et ne se trompe
Sur rien, ni sur le gué qu’il sonde avec sa trompe,
Ni sur la route à suivre, et jamais l’éléphant
N’a peur, pourvu qu’il soit conduit par un enfant.
Victor Hugo (1802-1885), Toute la lyre (1888 et 1893).
Des haïkus à partir de ce poème :
Il est sûr et il tangue
l’éléphant qui avance…
Je vais vomir !
Sur un dos de géant
lentement le monde passe
Rêves en marche
un nain pensif
un monstre écoute
un éléphant chavire
sous ses rideaux noirs
un éléphant chavire
et tombe du bateau
l’éléphant massif
un enfant sur son dos gris
l’emmène vers l’oubli
L’éléphant tremble
la route a peur de lui
mais l’enfant rit
conduite périlleuse
cornac épuisé
chute inévitable
rideau de cuir
un éléphant chavire
avec un mal de mer
sur l’éléphant gris
Hugo rêve d’infini
horizon sans fin
Si l’enfant ne conduit,
prenez garde :
l’éléphant a peur
La vie me guide
comme un cornac
sur un éléphant
À dos d’éléphant
Lentement le monde passe
Rêve d’enfant
L’éléphant chavire
Un enfant le guide
N’ayez pas peur !
À dos d’éléphant
l’enfant rêve
de l’âme du géant
Confiance
Ami, tu me dis : « Joie extrême !
Donc, ce matin, comblant ton voeu,
Rougissante, elle a dit : Je t’aime !
Devant l’aube, cet autre aveu.
Ta victoire, tu la dévoiles.
On t’aime, ô Léandre, ô Saint-Preux,
Et te voilà dans les étoiles,
Sans parachute, malheureux ! »
Et tu souris. Mais que m’importe !
Ton sourire est un envieux.
Sois gai ; moi, ma tristesse est morte.
Rire c’est bien, aimer c’est mieux.
Victor Hugo (1802-1885), Les chansons des rues et des bois (1865).
Alors elle t’aime ?
Mon pauvre ami sans parachute,
c’est vrai que tu l’aimes ?
Haut dans le ciel,
Pas besoin de parachute,
Elle m’aime aussi.
je flotte
elle m’a dit oui
je dérive
Un simple « Je t’aime »
tu es au ciel.
Fais gaffe : tu n’as pas de parachute.
« Je t’aime », dit-elle
Te voilà dans les étoiles
Sois prudent, innocent
Elle t’a dit « je t’aime
Tu es au paradis
Attention ! L’amour blesse
Te voilà dans les étoiles
Comblé par ton voeu d’amour
Mais tu planes sans parachute
Haut dans le ciel
sans parachute
Elle m’a dit « Je t’aime »
Elle m’aime
Je plane
Ai-je besoin d’un parachute ?