Qui dit « poème romantique » dit poème complexe, grandiloquent, avec de grandes phrases
complexes, des figures de style recherchées… et un poète qui se met fortement en avant (son génie, ses états d’âme…)
Parfois, lorsque tout dort, je m’assieds plein de joie
Sous le dôme étoilé qui sur nos fronts flamboie ;
J’écoute si d’en haut il tombe quelque bruit ;
Et l’heure vainement me frappe de son aile
Quand je contemple, ému, cette fête éternelle
Que le ciel rayonnant donne au monde la nuit.
Souvent alors j’ai cru que ces soleils de flamme
Dans ce monde endormi n’échauffaient que mon âme ;
Qu’à les comprendre seul j’étais prédestiné ;
Que j’étais, moi, vaine ombre obscure et taciturne,
Le roi mystérieux de la pompe nocturne ;
Que le ciel pour moi seul s’était illuminé !
Novembre 1829
Poète : Victor Hugo (1802-1885)
Recueil : Les feuilles d’automne (1831)
Qui dit « haïku » dit tout l’inverse : un poète discret qui s’efface au profit du spectacle le plus simple possible du monde qu’il donne à voir, poème où le poète évoque à demi-mots ce que provoque en lui ce qu’il donne à voir, poème extrêmement dépouillé, sans fioritures, sans rimes, sans figures de style compliquées… poème qui résonne légèrement à l’intérieur du lecteur, sans s’y installer lourdement…
Solitude…
Après le feu d’artifice :
une étoile filante !
Poète : Masaoka Shiki (1867-1902) , Japon
La lampe éteinte –
les étoiles fraîches
se glissent par la fenêtre
Poète : Natsume Sôseki (1865-1915) , Japon – disciple et ami de Masaoka Shiki).
nuit étoilée
la grande Ourse accroche
l’antenne du voisin
Poète : Gérard Dumon, France, octobre 2010
Haïkus : simplicité des moyens poétiques et syntaxiques
- Deux vers courts encadrant un vers moyen (en principe : 5, 7, 5 syllabes : donnons-nous
maximum une syllabe de battement). - Parfois des phrases simplement nominale, des simples notations ( « nuit étoilée »,
« solitude », « après le feu d’artifice une étoile filante »). - Très peu d’adjectifs, d’adverbes, de verbes.
- Pas besoin de dire pour suggérer, pour faire sentir…
- Phrase construite très simplement : sujet, verbe complément.
- Pas de P2 enchâssée, de relatives…
- Si l’on met des signes de ponctuation, choisir des signes de ponctuation expressifs, suggestifs,
signifiants (point d’exclamation, point d’interrogation, points de suspension, deux points à
valeur explicative, tiret à valeur de rupture) - Pas de lourdeurs, de participe présent.
- Pas de raisonnement, de grandes idées
- Le haïku intrigue…
- Pas de passé : le haîku saisit l’instant présent
Tout le monde dort…
Rien entre
La lune et moi !
— Seifujo
Toute la nuit
sous la lune ronde
à faire le tour de l’étang
— Bashô
Au fond d’un bassin
Un poisson nonchalant gobe
L’image de la lune.
— Bruno Hulin
Les hommes meurent
Les hommes vivent
Passent les oies sauvages.
— Sôseki
Dans l’aéroport
Encore dans les nuages
La petite fille.
— Isabelle Hemery
L’orage s’éloigne
Les hirondelles reprennent
Possession du ciel.
— Damien Gabriels
Lundi de Pâques
Nous recherchons le salut
Dans du chocolat.
— Pascale Senk
Après trois heures d’écran
Regarder la lune
Trois minutes.
— Isabel Asunsolo
Transposer un poème romantique en un haïku : deux étapes
- Cerner le cœur du poème, son noyau, son propos essentiel : dans le poème de Victor Hugo
« Parfois lorsque tout dort », ce noyau, ce cœur, apparait à la fin : le poète se dit, « croit »
(est-ce vrai ?) que le ciel ne s’est illuminé que pour lui : pour le consoler de son sentiment de
nullité, de sa médiocrité (« moi, vaine ombre obscure et taciturne ») jusqu’à en faire le roi de
ce ciel de nuit lumineux… - Exprimer ce cœur, ce noyau, sous forme d’un haïku en en respectant les obligations.
Ces spots qui m’éclairent,
illuminent-ils un roi ?
… seul sous les étoiles.
Grille d’évaluation :
voir, ci-dessous, le pdf de l’article
Épreuve sommative :
Transpose sous forme d’un haïku le poème romantique suivant :
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
— Victor Hugo, Les Contemplations, 3 septembre 1847
Les propositions des élèves pour ces deux poèmes romantiques :
dès l’aube la campagne blanchit
tu occupes mes pensées
sur ta tombe un bouquet fleuri
je la traverse
la montagne, la forêt
du houx sur ta tombe
avec un bouquet
voyager seul et triste
une tombe attend
le ciel sombre
un bouquet de fleurs dans les mains
je fixe ta tombe
dès l’aube, je viendrai
vide de l’intérieur
déposer la vie
ciel et étoiles
scintillent pour moi
seule est mon ombre
sous ce ciel sombre
les étoiles brillent pour moi
seul j’étais destiné
la nuit étoilée
mon âme seule est illuminée
dans mon obscurité
lorsque tout dort
seule mon âme est illuminée
le ciel rayonne
te regardant morte
fixé sur mes pensées
nuit et jour sont tristes
sous ce dôme sombre
je pense à ces étoiles
elles brillent pour moi
j’irai jusqu’au bout
pour notre rendez-vous
sur ta tombe…
joyeux est le roi
qui contemple les étoiles
brillant pour lui seul
loin sous cette tombe
je marche vers toi
pour te fleurir
je suis plein de joie
quand je contemple les étoiles
je me sens roi
le soir
illuminée par les étoiles
je suis reine
tu es là quelque part
endormie sans moi
je viens te fleurir
seule dans mes pensées
un bouquet sur ta tombe
je pars te rejoindre
seule dans mon esprit
j’arrive te retrouver
un bouquet sur ta tombe
je viens à toi
te revoir occupe mes pensées
pour te garnir
seul dans mon esprit
je dépose sur ta tombe
un bouquet fleuri
le cœur brisé
j’irai à ta tombe
te couvrir de fleurs
les étoiles brillent
pour le vaurien que je suis
toute la nuit
la nuit tombe
les étoiles se lèvent
rien que pour moi
demain je partirai
et quand j’arriverai
vers ta tombe j’irai
un jour d’hiver
je marche jusqu’à elle
ces fleurs sur mon chagrin
l’aube arrive
sur ce chemin
la tombe à fleurir
assis dans l’ombre
le ciel scintillant
pour moi seul s’éclaire
loin de moi tu attends
des fleurs à la main
pour ta tombe
dans mes pensées
les fleurs sont sur ta tombe
dans cet hiver
joie dans la nuit
elle n’est pas infinie
mon ombre me pèse
long voyage
pour toi je marche
rien ne m’attend
à ses côtés
seul et triste des fleurs à la main
un repos éternel
par la forêt
triste je marche
nos retrouvailles autour de ta tombe
dans ce monde assombri
posé sous le ciel scintillant
le ciel d’éclaircit
une longue nuit et glaciale
en attente de l’auber
afin de pouvoir te rejoindre
j’irai où tu m’attends
avec ce bouquet de fleurs
à mettre sur ta tombe
solitude…
après l’illumination,
un mystère absolu…
comme la nuit
j’arriverai sur ta tombe
rempli de tristesse
triste par l’écart
une tristesse profonde
des fleurs sur ta tombe
devant cette étoile
dans ses rêves
la petite fille
le crépuscule arrive
le bonheur se disperse
et ta tombe apparaît
tu es partie
j’emplis ta tombe de fleurs
je suis seul sans toi
à l’aube je suis parti
seul dans ma tristesse
te gâter d’un bouquet
sous les étoiles
s’est illuminé pour moi
ce ciel de nuit
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