UAA6 : épreuve sommative (relater son expérience d’un haïku)

Choisis un des haïkus qui sera donné le jour de l’épreuve et relate ton expérience de lecture en un texte d’au moins 300 mots. Ne te contente pas de décrire, de résumer, d’observer. Va plus loin en t’interrogeant, en proposant des interprétations, en réagissant personnellement à l’œuvre, selon ce que tu y as goûté, selon le retentissement que le haïku a provoqué à l’intérieur de toi.

 

Grille d’évaluation : UAA 6 relater une expérience culturelle

 

Critères Indicateurs Évaluation
Structure •       Texte rédigé.

•       Pas d’écriture schématique.

•       Paragraphes débutant par un retrait

 

Respect du genre :  

•      Ne pas se contenter de paraphraser un texte, de résumer un récit, de décrire un document audiovisuel….

•      Identifier la pointe du texte, son coeur : ne pas oublier d’y réagir

•      Ne pas se servir du texte comme prétexte pour s’épancher : y revenir, rester dans ce qu’il dit et suggère

•      Se référer aux constantes et techniques propres au type d’œuvre dont on relate l’expérience. Et expliquer l’effet produit par les choix de l’auteur de l’œuvre.

•      Évoquer en profondeur la répercussion, le retentissement intérieur qu’a produit cette expérience culturelle : réflexion, sentiments/émotions, imagination, goût, mémoire, volonté, fine pointe de nous-mêmes.

•      Montrer ce qui dans l’œuvre a produit ce retentissement, les techniques utilisées par l’auteur pour le produire chez le lecteur, le spectateur.

 

Expression  

•       Syntaxe et ponctuation correctes.

 

•       Vocabulaire correct.

•       Orthographie.

•       Pas de redites.

 

Des manquements majeurs au second critère peuvent entraîner l’échec.

Particulièrement : se contenter de décrire, de résumer, de paraphraser (redire en d’autres mots ce que le texte dit) ne peut amener la réussite

UAA6 : dépasser la paraphrase et relater son expérience de lecture d’un texte littéraire 

« Écoutez bien, ne toussez pas et essayez de comprendre un peu. C’est ce que vous ne comprendrez pas qui est le plus beau, c’est ce qui est le plus long qui est le plus intéressant et c’est ce que vous ne trouverez pas amusant qui est le plus drôle.  »

Paul Claudel, ouverture du Soulier de Satin

旅に病で / 夢は枯野を / かけ廻る

tabi ni yande/yume wa kareno wo/kake meguru

malade en chemin
en rêve encore
je parcours la lande desséchée

           Dernier haiku de Matsu Basho (1644-1694)

 

Un texte littéraire va provoquer chez le lecteur une résonance plus profonde qu’un texte ordinaire. Tout le défi de l’UAA 6 est de rendre compte, de relater, le plus richement possible, cet effet que la lecture d’un texte aura provoqué en nous.

Même si l’on n’a « rien compris »…

Il ne s’agit pas en effet de simplement paraphraser le texte (se contenter de redire en d’autres mots ce qu’il dit).

Il faut aller plus loin… et synthétiser tout cela dans un texte qui relate cette expérience de lecture…

Ces « zones » intérieures où retentit l’œuvre…

Le texte littéraire (comme les autres types d’œuvres d’art) va résonner dans nos zones intérieures, y avoir un retentissement.

Un peu, dit le poète Paul Claudel à propos du haiku japonais (genre poétique de trois vers : 5, 7 et 5 syllabes), comme fait un petit caillou lancé dans l’eau va provoquer autour de lui des cercles qui s’élargissent…

 

Quelles sont ces « zones intérieures » ?

  • L’intelligence, l’intellect : l’œuvre va nous donner à réfléchir (sur nous-mêmes, sur le monde, sur l’être humain, sur tels et tels aspects de l’existence, telles et telles thématiques, questions philosophiques, sociales, etc.)
  • L’affectivité : l’œuvre va provoquer en nous des sentiments, des émotions. Lesquels ? pourquoi ? quelle partie du texte ? ces sentiments vont-ils évoluer ? se contredire ? varier ? etc.
  • L’imagination : l’œuvre va créer dans notre esprit un spectacle intérieur, des images, des impressions esthétiques…
  • La mémoire : et si l’œuvre faisait remonter des souvenirs lointains, perdus, rangés…
  • La volonté : souvent lire une œuvre littéraire, c’est se battre avec le découragement qu’elle peut provoquer… comment nous sommes-nous accrochés ? pour résister à la tentation de l’abandon… pour aller plus loin que la surface… aller plus en profondeur…
  • Le goût : on peut évidemment ne pas avoir aimé, avoir eu du mal… mais tout de même… quel goût positif avons-nous trouvé dans cette œuvre ? à quoi avons-nous un peu tout de même vibré ?… ce qui nous a fait du bien…
  • La volonté profonde : les mystiques parlent d’une « fine pointe de l’âme », d’une zone intérieure la plus profonde de nous-mêmes. Celle où nous sommes vraiment nous-mêmes, uniques, originaux. Une zone que nous laissons souvent s’encombrer de gravats (nous sommes alors en quelque sorte « coupés de nous-mêmes »). Comment cette « fine pointe de nous-mêmes » a-t-elle pu être (r) éveillée par l’expérience de l’œuvre littéraire que nous avons lue ?

 

Évidemment, dans un tel exercice, il ne s’agit pas de tout relater, de tout dire de ce que l’œuvre a provoqué en nous. Il est des choses trop intimes pour être livrées.

Veillons tout de même à aller suffisamment loin !

Il y a beaucoup à dire. Même si l’on « n’a rien compris » !

Le haïku : un instantané entre Ciel et Terre

 

Une anthologie de haïkus d’Issa (1763-1828) vient d’être publiée aux éditions Synchronique : Haïkus entre ciel et terre. Issa. Plus de cent haïkus de Kobayashi Issa y sont rassemblés sous trois versions : le texte écrit verticalement en idéogrammes japonais, une translittération en alphabet latin sous forme de trois vers et une traduction française en trois vers. Le tout illustré par Manda, une peintre et calligraphe, spécialiste du haïga (composition où s’articulent image et calligraphie d’un haïku.

Le haïku : caractéristiques et règles

Le haïku est un genre poétique japonais. Aujourd’hui, sa pratique a largement dépassé le Japon, elle est devenue universelle, dans toutes les langues. Paul Claudel, poète et dramaturge français, qui a séjourné au Japon, en parle comme une semence d’émotion et le compare à ces petits cailloux jetés dans l’eau dont les ondes circulaires vont loin ou à ces petits papiers pliés de nombreuses fois, les blocs ensuite découpés aléatoirement de sorte que leurs dépliements donnent des figures d’une grande complexité.

1. Le nombre de syllabes et les césures : brièveté

En principe un haïku est composé de 17 syllabes séparées en trois groupes rythmiques suivis d’une césure : un groupe de 5 syllabes, suivi d’un groupe de 7 syllabes, puis d’un groupe de 5 syllabes. Écrit en japonais, il tient en une ligne horizontale. Translittéré ou traduit en d’autres alphabets et langues, il tient en trois vers. Il est souvent difficile de respecter cette contrainte dans une traduction ou lorsqu’on écrit, en amateur, des haïkus. Essayons de respecter cet ordre de grandeur. Le haïku est bref.

2. Simplicité

Les sujets du haïku et le style d’écriture doivent être simples : des réalités ordinaires, banales, parfois triviales (vulgaires), l’utilisation de moyens langagiers simples, pas de grandiloquence, de figure de style complexe, de rime, de phrase compliquée… Le poète donne également une image simple de lui-même.

3. Mot de saison ou kigo

Le haïku renvoie à une saison en intégrant un « mot de saison », un kigo. Le mot «sakura» (cerisier en fleur ou fleur du cerisier), dans le poème suivant d’Issa renvoie au printemps :

 

Komefumi mo uta wo ba yame yo sakura chiru vous qui pilez le riz cessez donc de chanter  le cerisier en fleur se disperse

 

kome : riz – fumu : écraser, marcher sur, appuyer avec le pied, fouler; expérimenter, éprouver; suivre des règles; faire des rimes; hériter – mo : aussi – utau : chanter – wo : particule qui indique le CDV, entre autres – yameru : arrêter, stopper, abandonner, abolir, annuler, renoncer, abdiquer – yo : Particule placée à la fin d’une phrase, elle indique une nuance de subjectivité, une opinion personnelle. – chiru : tomber, s’éparpiller, se disperser, se répandre, disparaître, mourir d’une mort noble

Le haïku entre ciel et terre – 1

Existent au Japon des saijikis, recueils de kigos classés selon les saisons. Bien entendu, d’une culture à l’autre, la saison de référence peut changer pour un mot.

4. Instantanéité

Le haïku ne rend pas compte d’un processus, d’une durée, il cherche à saisir et exprimer un instant du temps qui passe.

5. Résonance intérieure

Simple et bref dans sa forme et son fond, le bon haïku doit provoquer chez le lecteur une résonance intérieure qui peut être complexe, profonde, durable. Cela suppose de se disposer intérieurement pour se laisser toucher par le poème, de se ménager une hanani intérieure. Les hanani, au Japon, sont des activités collectives organisées fin mars-début avril pour contempler les sakuras, les cerisiers en fleurs avant leur cyclique et précoce dispersion.

Plusieurs zones intérieures sont mobilisables :

  • l’intellect quand le haïku nous plonge dans la réflexion
  • l’affectivité quand il provoque en nous émotions et sentiments
  • l’imagination quand nous visualisons intérieurement des images
  • notre identité profonde quand le haïku touche en nous ce « je ne sais quoi » ou ce « je ne sais qui » qui fait que nous sommes qui nous sommes, ce que les mystiques appellent notre « esprit profond », notre « volonté profonde ».

 

Herbe de rosée avant tout du bonheur et quelle fraîcheur Temple de montagne des profondeurs enneigées résonne la cloche

 

Une Leçon vidéo sur le haïku                Un dictionnaire du japonais

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