Relations sexuelles : jamais avant le mariage ? Argumentaires et logiques en présence : mise en commun de l’argumentation éthique

Interdiction ou non des relations sexuelles avant le mariage : relevé des « logiques » en présence (et quelques points d’analyse)

Par « logique », il faut entendre ici les « principes » fondamentaux qui sont sous-jacents aux arguments en présence, éventuellement les « valeurs » sous-jacentes. Plusieurs logiques, bien entendu, peuvent se combiner.

1) La logique de l’engagement et de l’alliance

Elle est fort présente dans la position religieuse : la relation sexuelle y suppose un engagement total, en principe « pour toute la vie » de l’homme et de la femme. Avec la « bonne personne ». Et donc les relations sexuelles suivent le mariage et le constituent. Le mariage est vu comme une alliance dans le cadre de laquelle se vit de façon fidèle, la sexualité.

À noter que l’on peut retrouver une logique analogue chez certains tenant de l’autorisation des relations sexuelles avant le mariage ou sans se marier. Par exemple, ci-dessous,  dans l’argument positif n° 24 (« OK si le couple est sûr de tenir »). Parfois il est question, pour autoriser les relations sexuelles, d’un engagement suffisamment consistant, mais non nécessairement définitif (argument 22 : « OK si la relation est sérieuse »)

2) La logique du cheminement

Dans cette logique, la sexualité est regardée comme une des réalités qu’il faut vivre ensemble dans la construction progressive d’un couple qui peut-être pourra ensuite s’engager dans la durée. (voir ci-dessous : arguments 1, 3, 6, 8, 14, etc.)

3) La logique du développement de soi

Davantage « individualiste », cette logique voit la sexualité comme un moyen de développement de soi, de ses capacités, de ses dimensions. Sans nécessairement l’idée de construire un couple (voir ci-dessous : argument 9 : explorer la vie ; argument 2 : « devenir plus mature » ; argument 16 : « enlève le tabou et la gêne » ; argument 18 : « étape dans le chemin vers l’âge adulte »).

4) La logique du « naturel », du « plaisir »

Pourquoi il y aurait-il du mal à avoir du plaisir ? Les tenants de cette logique dédramatisent la sexualité : c’est un plaisir « naturel » comme un autre. Pas de souci pour le partager, dès la jeunesse, avec un/e partenaire pourvu qu’il ou elle soit consentant/e.

5) La logique du respect du groupe-social

La sexualité, dans cette logique, a une forte dimension sociale. Il s’agit dans sa pratique de l’inscrire dans le groupe social auquel on appartient, de ne pas lui faire « honte », de ne pas le « déshonorer », de lui être « loyal ».

6) La logique de la liberté

Plusieurs voient d’un mauvais œil le contrôle social de la sexualité, contrôle religieux ou autre. La sexualité appartient pour eux à la zone personnelle, à l’intime : à partir du moment où le/la jeune est devenu suffisamment autonome, il/elle a droit de vivre « sa » sexualité comme il/elle l’entend.

7) La logique ascétique

On la retrouve dans l’argument 24, par exemple (« ne pas être esclave de ses désirs et sensation »). La sexualité est une réalité pulsionnelle qui peut dominer l’être humain. Dans cette logique, il s’agit de « s’exercer » (sens du mot « ascèse » en grec) pour maîtriser sa sexualité et ne pas être dominé par elle.

À noter que la loi prévoit ce « combat » ascétique puisqu’elle exige le consentement du partenaire pour autoriser les relations sexuelles. Inévitablement, dans une vie de couple, chacun devra composer avec l’autre et donc apprendre à « se » maîtriser.

Quelques pistes de réflexion plus large

a. Contrôle de la sexualité et culture patriarcale

Le courant politique féministe a très tôt observé que la sexualité féminine était davantage contrôlée que la sexualité masculine, que les femmes choisissant publiquement une sexualité libre était davantage stigmatisée socialement que les hommes faisant ce choix. Les féministes pointe comme responsable la structure patriarcale.

« patriarcat » : pouvoir (en grec « archè » donné aux pères (en latin « pater/patri).

Une société patriarcale considère que le pouvoir dans les familles est donné au père, et souvent que la transmission des biens se fait de père en fils.
Il est donc essentiel que soit garantit le père de l’enfant qui sort du ventre de sa mère.

Le mariage a cette fonction : désigner le mari comme père de l’enfant. Il est dès lors impensable, dans une telle structure sociale, qu’une femme ait une sexualité en dehors du mariage, sexualité qui la rendrait enceinte. D’où le contrôle très fort des filles, avec le sentiment de « honte » familiale que représenterait une « fille-mère ».

La pilule dans les années 60, puis la dépénalisation de l’avortement, ont rebattu les cartes en permettant aux femmes de maîtriser leur capacité d’avoir des enfants.
Jusqu’alors, c’est l’homme qui rendait les femmes enceinte.

b. Symbolique du mal : souillure, faute, péché

Paul Ricoeur est un philosophe français du 20ème siècle. Dans son livre La symbolique du mal, il évoque trois registres symboliques traditionnels pour représenter le mystère du « mal » :

  • Le registre symbolique de la souillure, de la tache, est le plus archaïque : le mal « salit » la personne, voire le groupe social auquel il appartient. L’image de la « pureté » sexuelle relève de ce registre. Différents rituels permettent de « laver » la personne, le groupe (par exemple dans le rite chrétien du baptême, l’eau « efface » le péché). L’élimination de la souillure peut aller jusqu’à l’élimination de la personne souillée.
  • Le registre symbolique du péché : le mal n’a plus une consistance propre (comme dans le registre de la souillure). Il est « mal » parce qu’il rompt l’alliance avec Dieu. Restaurer cette alliance passe par l’aveu du péché et le pardon).
  • Le registre davantage moderne de la faute dédramatise et cherche à rationaliser le mal. Le mal est le non-respect d’une loi, d’une procédure, d’un chemin, à suivre. L’individu jugé responsable ou coupable de la faute peut être sanctionné, mais aussi il peut réparer la faute commise.

Argumentaires relevés par les élèves

Interdiction religieuse des relations sexuelles avant le mariage : arguments favorables qui sont avancés 

1. Limiter les relations éphémères
2. Se préserver
3. Attendre la bonne personne
4. Prendre en maturité
5. Être suffisamment prêt / prête
6. Apprendre ensemble sans se juger (si les eux n’ont jamais eu de relations)
7. Un acte sacré
8. Être pur/e aux yeux de Dieu – être sous la Grâce de Dieu
9. Ne pas se donner les yeux fermés à quelqu’un
10. Sécurité : ne pas se faire quitter juste après l’acte
11. Préserver une relation basée sur des valeurs d’engagement, de respect, de confiance et de fidélité
12. C’est un moment intime qu’on partage avec l’être qu’on aime. Et ce moment se passe une fois.
13. Amour non dépendant de la sexualité
14. Pas de risque d’enfant trop jeune
15. Permet de garder une certaine « sainteté » d’esprit
16. Respect envers son partenaire
17. Maîtrise de soi
18. Respect de la femme
19. Respect de soi
20. Ne pas corrompre l’alliance avec Dieu
21. Évite la honte
22. Un honneur pour la famille
23. Pureté d’âme et d’intention
24. Ne pas être esclave de ses désirs et sensations
25. Réprimer ses pulsions
26. Prendre son temps
27. Garder ce « privilège » avec son mari/sa femme : partager cela avec lui /elle
28. Assurer une relation stable et durable
29. Engagement et responsabilité

Interdiction religieuse des relations sexuelles avant le mariage : arguments défavorables qui sont avancés

1. Peut créer des moqueries (coincée,…)
2. Se sentir différent des autres, à l’écart
3. Marier quelqu’un et le quitter une fois avoir obtenu ce qu’on voulait
4. Avoir l’impression de « gâcher » sa jeunesse en ne testant pas de nouvelles choses
5. Avoir peur de décevoir son mari/sa femme par manque de compétences
6. Se préserver pour un homme/une femme qui l’a déjà fait plein de fois
7. Limite la liberté, l’autonomie des personnes
8. Entraîne un sentiment de culpabilité en cas de non-respect
9. Emprise sur le/la partenaire : le/la garder « pour soi » – tu ne peux le faire qu’avec moi
10. Idéalisation de la femme vierge
11. Besoins humains qui ne sont pas respectés
12. Rendre tabou un sujet n’est pas une solution
13. Peut amener à se marier trop tôt
14. Ne pas avoir d’expérience sexuelle en se mariant
15. Le mariage n’est plus une obligation
16. La religion n’est pas importante pour tous
17. N’ont pas assez appris à se connaître, n’ont pas créé une connexion profonde sur le plan physique ou émotionnel : risque de mener à un échec du mariage
18. L’interdit donne aux adolescents l’envie de le transgresser
19. Si le mariage est à 30 ans, c’est un peu tard pour la première relation

Large pratique, dès la jeunesse, des relations sexuelles avant de se marier en moyenne à trente ans : arguments favorables qui sont avancés

1. Se découvrir l’un l’autre et découvrir son corps
2. Devenir plus mature
3. Faire preuve d’amour en donnant sa confiance
4. Demander des conseils à ses amis (plus facile de se livrer à quelqu’un de son âge)
5. C’est un passe-temps
6. Il faut connaître ce que c’est avant de s’engager
7. Partage de moments intimes
8. Permet une connaissance approfondie de l’autre
9. Un moyen d’explorer la vie
10. C’est une expression naturelle de l’amour
11. Tout le monde ne désire pas se marier
12. Permet de renforcer les liens
13. Souvent couplé avec une plus grande ouverture d’esprit
14. Permet de prendre le temps qu’il faut pour passer chaque étape et maintenir la flamme sans avoir besoin de contracter le temps
15. Permet de ne pas avoir d’obligation envers son partenaire/sa partenaire
16. Enlève le tabou ou la gêne
17. Pour le plaisir
18. Étape dans le chemin vers l’âge adulte
19. Quand on est prêt. Des personnes sont prêtes plus tôt que d’autres.
20. Ok tant que les deux personnes sont consentantes
21. On profite de sa jeunesse
22. OK si la relation est sérieuse
23. Ok si le couple est sûr de tenir
24. Apaise la peur de se tromper sur le choix du partenaire définitif
25. Il est possible d’avoir une bonne « première fois » sans se marier
26. Ça dépend de la maturité de la personne

Large pratique, dès la jeunesse, des relations sexuelles avant de se marier en moyenne à trente ans : arguments défavorables qui sont avancés

1. Regretter son choix
2. Commettre un péché, aller contre Dieu, perdre notre amitié avec Dieu
3. Le faire avec la mauvaise personne
4. Avoir une « réputation »
5. Tomber enceinte jeune par accident
6. Se faire engueuler, voire rejeté, par ses parents s’ils ne sont pas compréhensifs
7. Maladies sexuellement transmissibles liées à « l’amour libre »
8. N’encourage pas la discipline personnelle et l’engagement profond
9. Risque de rencontrer des prédateurs/prédatrices sexuels
10. Risque plus grand de tomber sur quelqu’un qui ne respecte pas tes limites car tu ne le connais pas bien
11. Ne pas se contenter d’une seule personne sexuellement : infidélité
12. Augmentation des avortements
13. Dévalorisation du corps de la femme
14. Dévalorisation de l’acte sexuel
15. En vouloir encore et encore
16. Empêche de préserver son intimité
17. Dans l’adolescence, c’est trop tôt
18. Le ou la partenaire peut ne pas être à la hauteur de la confiance. Blessures émotionnelles en cas de rupture ou d’une relation non-sérieuse
19. Il y a des histoires de faux viols inventés pour nuire
20. Se préparer pour performer après
21. Perturbation des études
22. Risque de gâcher sa « première fois »
23. Banalise le rapport sexuel
24. Entraîne un marché basé sur le désespoir
25. Peut influencer la durabilité de la relation


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