Dans l’extrait suivant du blog qu’il tenait sur le site du journal Le Monde, le rabbin Alexandre Meloni analyse l’épisode qui voit Moïse briser les premières tables de la loi, écrite par D. lui-même. Il réfléchit aussi sur la raison pour laquelle il n’est plus nécessaire de croire en Dieu, ou plus précisément la raison pour laquelle croire en Dieu n’est plus une condition de départ pour adhérer au judaïsme, mais le fruit final de cette adhésion pratique et réfléchie, le fruit de l’application réfléchie des commandements reçus de D.
« Symboliquement les premières tables représentent le parcours que j’ai décrit au point précédent. C’est à dire avant de pratiquer quoi que ce soit, il faut la foi en l’existence de D. et à partir de cette foi appliquer ses commandements. En effet ces tables sont préparées et gravées par D. lui-même. Il n’y a aucune intervention de l’homme. Ces tables, selon le midrash peuvent se lire dans n’importe quel sens et ne nécessite aucune interprétation. Ce qu’elles contiennent est une évidence et ne laisse aucun espace à l’homme. Il y a perte de liberté et comme je l’ai dit plus haut, il y a injustice puisque la majorité ne pourra pas parvenir à respecter ce qui est demandé justement parce que l’élément central qui porte à la compréhension est la foi. Il s’agit, pour Moise, de trouver une autre voie. Après la destruction des premières tables que fait Moise ou D. plutôt puisque c’est lui qui commandera à Moise de faire ainsi, Moise devra tailler dans la pierre de nouvelles tables et D. y écrira dessus les commandements. Ainsi les commandements seront écrits sur un support que l’homme a préparé, où l’intervention humaine est essentielle et où le divin se pose. L’espace, pour l’homme, existe. Moise, de plus, oblige le peuple à changer d’attitude face aux commandements. Il force le peuple à dire :
“ונשמע נעשה”
Na’ASSéH Vé-NiSHMaH
Nous ferons et nous comprendrons.
Il y a inversion de la situation : si, avant, il fallait la compréhension avant l’action maintenant c’est l’action qui précède la compréhension ! D’abord il faut agir et après, grâce à l’expérience que l’action donne à l’individu, arriver à une compréhension et même à la foi. C’est à dire que la question de D., de la foi est mise à la fin du processus et non au début. Pourquoi cela ? Tout d’abord parce que la majorité des commandements sont des commandements qui concernent le rapport horizontal, de l’homme vers l’homme (לחברו מצוות בין אדם – Mitzvoth Ben Adam La-Khaverò), commandements qui assurent la justice sociale et le respect de l’autre. Commandements sans lesquels il ne peut y avoir de société humaine viable. C’est sur cette base que pourra alors se développer le rapport vertical, de l’homme vers D. (מצוות בין אדם למקום – Mitzvoth Ben Adam La-Makom). C’est donc sur l’expérience de son rapport à l’autre que l’homme peut développer sa réflexion sur D., avec l’apprentissage du respect, la confrontation à l’autre. »
Midrash : ce mot, qui signifie « étude », désigne l’ensemble des interprétations de la Bible hébraïque par les Rabbins
(source : Encyclopédie Larousse https://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/midrash/175330)
Mitzvoth : commandement
Afficher et télécharger l’article
Version en police de caractère plus grande
Version Word .docx
Afficher et télécharger les récits du Livre de l’Exode
Version avec police de caractère et interlignes plus grands
Version Word .docx
Afficher et télécharger l’étude complète du Rabbin Meloni
Version Word .docx
Remarque : la conclusion du rabbin prête à discussion (« Enfin il faut rendre à César ce qui est de César et reconnaître qu’être un « bon » chrétien est sans doute bien plus difficile qu’être un « bon » juif puisque dans le premier cas la foi reste une condition sine qua non »). Depuis les années 80, dans une société sécularisée les chrétiens, des croyants, côtoient des « justes » athées, incroyants. Et souvent qui pratiquent bien davantage la justice que nombre de « croyants ».
De nombreux théologiens catholiques s’interrogent sur la nécessité préalable de la foi pour être sauvé.
C’est le cas d’un Jacques Vallery, entre autres vicaire de la paroisse de Gosselies au début des années 80, dans son texte Croire en Dieu, ça ne sert à rien. Jacques Vallery est décédé tragiquement en 1987 dans le désert algérien, dans le cadre d’une mission humanitaire. Son article pèche sans doute par une vision naïve un peu trop « anthropomorphique » de Dieu.