L’exercice Si Dieu était… (cliquez-ici) nous a fait prendre conscience que circulaient, dans notre culture, diverses images de Dieu. Les mots et réalités que nous Lui appliquons ne peuvent prétendre exprimer « ce » qu’Il est. Tout au plus pouvons nous exprimer Dieu de façon imagée.
Plusieurs l’ont comparé au lion (sa royauté, sa puissance, sa domination), mais J. G. a, elle, comparé Dieu à une « souris » parce qu’il est « discret« . Nous avons vu que le prophète Élie a expérimenté ce mystère de l’effacement de Dieu.
Une fable de La Fontaine peut nous aider à aborder cette discrétion.
Appelons « hébélien » le quasi rien : du petit accessible seulement à l’infini de Dieu (ce qu’humainement nous concevons de petit est infiniment grand par rapport à ce que Dieu peut faire de tout petit)… Hébel (ou Abel, ou mieux « hével » : en hébreu la buée ; « Hével Hévelim » : Vanité des Vanités, buée des buées, au début du Qohelet, livre biblique également appelé l’Ecclésiaste)
Le Lion et le Rat
Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde
On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi
Tant la chose en preuves abonde
Entre les pattes d’un lion
Un rat sortit de terre assez à l’étourdie
Le roi des animaux, en cette occasion
Montra ce qu’il était et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu
Quelqu’un aurait-il jamais cru
Qu’un lion d’un rat eût affaire ?
Cependant il advint qu’au sortir des forêts
Ce lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage
Sire rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage.
Le rat devient « Seigneur» (sire) et ce qu’il fait semble énorme (« fit tant » : délivrer un lion qui ne peut se défaire du filet où il est pris malgré toute sa puissance – comme nous sommes pris dans les rets de cette mortelle existence).
Mais ce qu’il fait est en réalité tout petit, quasi rien, » hébélien » : ronger une maille de ses petites dents et ainsi permettre que se défasse tout l’ouvrage.
Dieu agit-il ainsi dans l’histoire ? Serait-ce pour cela que nous ne l’entendons pas, ne le percevons pas ? Ne se fait-il pas, comme le rat de la fable, tout petit – extra-minime – et défait le filet où nous sommes pris dans une articulation si minime qu’elle est pour ainsi dire inaccessible à notre grandeur.
Certes l’homme est-il capable de penser et d’agir dans le minime, mais le minime qu’il conçoit et crée dans sa finitude est encore énorme par rapport à l’infiniment plus minime où pourrait agir l’infini divin.
Il n’est donné qu’a l’infini divin d’œuvrer dans l’extra-minime, comme le rat de la fable.
Bien sûr le résultat de l’action extra-minime ne se fait encore guère sentir. Le filet se défait bien lentement.
Attendons la suite de l’histoire : Patience et longueur de temps / Font plus que force ni que rage.
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Avez-vous trouvé la souris ?
Ce tableau n’a pas la qualité suffisante pour avoir été vraiment peint par Rubens. C’est un tableau de l’un ou l’autre de ses élèves. Même si le Maître signait.
Quand Rubens peint lui-même un lion, c’est autre chose :
Pour ce qui est de la souris et du rat, c’est un thème plus rare dans la peinture européenne. On en trouve une, étrange, dans polyptique de Jérôme Bosch, Le jardin des délices (la page du musée du Prado) :
Le rat et la souris sont plus valorisés en extrême-orient (en Chine, l’année du rat ou de la souris est la première du cycle). Témoin cette estampe de Tsukioka Kōgyo (1869-1927). Le rouge du radis y éclate comme une promesse de vie !
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