Exercice
Par l’imagination, au travers des cinq sens, se composer dans la tête une scène. Lieu : une cellule de prison. Personnages : un prisonnier, une mouche. Voir, entendre, sentir, toucher, goûter.
Ensuite chacun peut partager brièvement.
Audition de Mireille (Dick Annegarn, 1975)
Exercice 2
Chacun va interpréter dramatiquement un couplet et un refrain de la chanson :
Permettez-vous que j’emprunte votre oreille ?
Histoire de vous raconter l’histoire de Mireille
Mireille est une mouche, comme toutes les mouches
Le soir, elle se couche, à l’aube elle se réveille
[Refrain:]
Ah zoumzoumzoumzoumzoumzoumzoumzoumzouzoum
Un jour, elle atterrit dans la cellule d’une crapule
Raymond était son nom, il tirait vingt ans de prison
Violeur, voleur, tueur, Raymond attend son heure
Abruti par l’ennui, la mouche le surprit
[Refrain]
Raymond: Bonjour,la mouche ! Mireille: Bonjour, Raymond !
Soyons de bons amis, des amis pour de bon
La brute apprivoisée, passant toute sa journée
À jouer avec Mireille, pour bonne conduite est libérée
[Refrain]
Qu’est-ce qu’on peut bien faire, quand on sort de prison
Dans une poche une mouche, dans l’autre quelques ronds ?
« Si je me faisais dompteur de puces, de cafards et d’abeilles
Je ne me ferais manager, la bête de scène serait Mireille »
Oh oué !
[Refrain]
« Voyons ce que ça donne, voyons si tu étonnes
Les clients de ce bistro, Mireille, va faire ton numéro »
« Tiens, une mouche ? Pardon », dit le garçon
Et d’un pouce farouche…
Ah zoum zoum… zoumahzoumzoum… zoum…
Mireille…
Une chanson narrative : elle raconte une histoire. Tragique (au sujet du genre tragique qui est d’abord un genre dramatique, théâtral : cliquez ici).
Oh Ouè ! est le climax, le sommet, le point d’apogée le plus intense. Ensuite la tension retombe et rapidement l’histoire se résorbe, s’achève.
Un commentaire intéressant de Max Leb sous la vidéo youtube :
Le sujet de fond est l’innocence retrouvée immédiatement saccagée par la cruauté du réel.
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« et d’un pouce farouche… » : Vocabulaire, procédé littéraire, philosophie de la vie…
- Relevons d’abord l’ellipse : un bon écrivain souvent ne dit pas tout, laisse sous-entendu l’essentiel, lui donnant ainsi plus de force.
- Un pouce « farouche » ? D’abord ce n’est pas le pouce qui est farouche, mais le garçon de café (ou alors, il faut imaginer que notre corps ou des parties de celui-ci peuvent n’en faire qu’à leur guise). « Farouche » se dit d’un animal ou d’un humain qui n’est pas approvoisé, qu’on ne peut pas dominer, qui reste libre, indépendant, non maîtrisable. – Accéder à l’article du TLFI (Trésor de la Langue Française Informatisé).
- Si le garçon est présenté comme farouche, non maîtrisable, ce n’est hélas plus le cas de Mireille puisqu’elle a été apprivoisée. Finalement pour son malheur puisque, si elle était restée farouche, moins confiante en l’être humain, elle serait sans doute restée sur ses gardes et aurait fui, effarouchée, le pouce du garçon de café… le caractère tragique du récit redouble : Raymond, parce qu’il a apprivoisé l’animal, peut apparaître responsable de sa mort…
- A noter que Raymond, lui aussi, a cessé d’être le farouche « violeur, voleur, tueur », le « sauvage » qu’il était. Il a lui aussi été apprivoisé (par une mouche, ce qui n’est pas habituel dans la vie ordinaire, mais tout est possible en littérature).
La vie est-elle bien faite ? » Oui », selon Joe Dassin
Tous les matins il achetait
Son p´tit pain au chocolat
La boulangère lui souriait
Il ne la regardait pas
Et pourtant elle était belle
Les clients ne voyaient qu´elle
Il faut dire qu´elle était
Vraiment très croustillante
Autant que ses croissants
Et elle rêvait mélancolique
Le soir dans sa boutique
A ce jeune homme distant
Il était myope voilà tout
Mais elle ne le savait pas
Il vivait dans un monde flou
Où les nuages volaient bas
Il ne voyait pas qu´elle était belle
Ne savait pas qu´elle était celle
Que le destin lui
Envoyait à l´aveuglette
Pour faire son bonheur
Et la fille qui n´était pas bête
Acheta des lunettes
A l´élu de son cœur
Dans l´odeur chaude des galettes
Et des baguettes et des babas
Dans la boulangerie en fête
Un soir on les maria
Toute en blanc qu´elle était belle
Les clients ne voyaient qu´elle
Et de leur union sont nés
Des tas des petits gosses
Myopes comme leur papa
Gambadant parmi les brioches
Se remplissant les poches
De p´tits pains au chocolat
Et pourtant elle était belle
Les clients ne voyaient qu´elle
Et quand on y pense
La vie est très bien faite
Il suffit de si peu
D’une simple paire de lunettes
Pour rapprocher deux êtres
Et pour qu´ils soient heureux.
Lyrics © Sugarmusic s.p.a.
Giancarlo Bigazzi, Riccardo Del Turco
Si la chanson de Dick Annegarn relève du tragique, de la littérature déceptive, la leçon de la chanson interprétée par Joe Dassin est optimiste :
Et quand on y pense
La vie est très bien faite
Il suffit de si peu
D’une simple paire de lunettes
Pour rapprocher deux êtres
Et pour qu´ils soient heureux.
Pourtant, il y a bien une dimension initialement tragique :
Il ne voyait pas qu´elle était belle
Ne savait pas qu´elle était celle
Que le destin lui
Envoyait à l´aveuglette
Pour faire son bonheur
…« à l’aveuglette »… parce que le destin (ici Eros/Cupidon, le dieu aveugle de l’amour) ne voit pas clair, lui non plus : il provoque un amour impossible… tragique…
Mais la sagacité de l’être humain (ici de la jeune femme « qui n’est pas bête ») permet de comprendre le problème et d’y remédier en créant un moyen qui contourne les erreurs du destin…
La sagacité est à distinguer de la sagesse puisqu’elle permet de trouver une solution concrète au tragique de la vie au lieu de s’y résigner comme y invitent nombre de sagesses antiques.
Dick Annegarn nous amènerait à penser que la sagacité (l’astuce de Raymond pour gagner sa vie honnêtement en domptant et se laissant dompter par une mouche) est au final vouée à l’échec…
Ce n’est pas la leçon, joyeuse et optimiste, de Joe Dassin.
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Petite remarque : si l’on s’agace à l’excès et se laisse déborder par l’indignation devant la vie mal faite, on aura du mal a être sagace … En effet l’indignation risque de paralyser l’intelligence.
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Perspective : le calimérisme
Un philosophe pour sortir du calimérisme : Clément Rosset
Un livre : La Force majeure